Sunday, February 12, 2012

Plan Nord: protéger sans freiner l'exploitation

Link: ledevoir.com
Alexandre Shields 6 février 2012
 

Protéger 50 % du territoire du Plan Nord ne veut pas nécessairement dire qu'on y interdira toute activité minière ou forestière. Le gouvernement Charest compte en effet «expérimenter de nouveaux modes de conservation» afin d'atteindre l'objectif environnemental de son plan de développement industriel, dont la possibilité d'y permettre l'exploitation des ressources naturelles. C'est ce qu'a confirmé hier au Devoir un représentant du ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP).

Québec a affirmé hier matin que la superficie d'aires protégées atteindra 20 % du territoire couvert par le Plan Nord, et ce, en 2020. Selon les libéraux, il s'agit d'une hausse significative par rapport aux intentions annoncées en août dernier. Il était alors question d'accorder le statut d'aires protégées à 12 % de cette zone de 1,2 million de kilomètres carrés. Une autre portion de 5 % du territoire devait quant à elle être désignée «réserve de terres du capital nature» et ouverte à une forme de «développement» à définir. Le gouvernement semble désormais avoir mis de côté cette notion. C'est du moins ce qui transpirait de l'annonce effectuée par le premier ministre Jean Charest, hier, à Montréal. Les groupes écologistes, qui avaient dénoncé cette option, ont d'ailleurs salué cette décision.

Mais selon ce qu'a expliqué un représentant du MDDEP, l'idée pourrait très bien être réactivée à la suite de sept «projets pilotes» lancés par Québec «afin d'expérimenter de nouveaux modes de conservation et d'améliorer les connaissances écologiques et environnementales sur le territoire». Les résultats de ces projets seront utilisés pour déterminer comment protéger une autre tranche de 30 % du territoire du Plan Nord, soit 360 000 km2. Ce deuxième objectif doit être atteint en 2035.

Deux de ces projets portent spécifiquement sur des travaux qui permettront de déterminer s'il serait possible de «mettre en place des réserves de capital nature, ou autre chose, dans lesquelles l'exploitation forestière et les activités minières pourraient, à un certain niveau, se réaliser». Selon ce qu'a précisé au Devoir le haut responsable du MDDEP, les deux industries pourraient se déployer sur un même territoire. Deux autres projets se penchent déjà sur les possibilités d'accroître l'exploitation forestière dans les réserves fauniques, tout en respectant les normes internationales de protection.

Des secteurs pourraient également être ouverts aux travaux d'exploration minière, étape charnière et très coûteuse du développement de tout projet de mine. L'idée, selon ce qu'on a expliqué, c'est que les territoires où sont menés des travaux d'exploration ne seront pas nécessairement soumis à un projet d'exploitation minière. «Quand peut-on dire qu'une forme d'exploration minière est acceptable? L'intensité des activités d'exploration minière et l'intensité des aménagements forestiers vont être deux éléments importants» étudiés dans le cadre des projets pilotes, a indiqué le représentant du MDDEP.

Cette idée d'envisager des projets industriels dans des zones désignées comme protégées ferait partie d'une réflexion qui vise à réconcilier les différents usages du territoire. Selon Québec, il importe surtout de miser sur «l'utilisation durable des ressources» et d'éviter de bloquer le développement «pour l'éternité». Pour y parvenir, il faudra faire preuve d'«imagination» et d'«innovation», a-t-on dit au ministère dirigé par Pierre Arcand. «Pour être durable, on ne peut pas juste parler de préservation. Il faut aussi que les gens puissent y vivre, qu'ils puissent en tirer certains bénéfices, et notre défi est de normaliser tout cela. On est convaincus que pour arriver à 50 % de protection sur le territoire du Plan Nord, la formule des aires protégées a ses limites.» Mais elle sera employée. «On va sûrement faire des aires protégées, mais est-ce qu'on va en faire 1 %, 2 %, etc.? Je ne le sais pas.»

Lors d'un voyage de promotion du Plan Nord mené en Espagne en octobre dernier, Jean Charest n'avait pas écarté l'idée que les entreprises forestières puissent avoir accès à des portions du territoire censé être protégé en vertu de son «chantier d'une génération». Mais il avait ajouté que le secteur minier en serait exclu.

Des éléments à préciser

Le gouvernement libéral doit en outre lancer l'an prochain une «démarche de planification écologique». Celle-ci devrait, selon les documents officiels, «contribuer à déterminer des zones d'intérêt et à adopter des orientations stratégiques et des objectifs» en matière de conservation, mais aussi de «mise en valeur». Un exercice nécessaire, selon Nature Québec, mais dont les balises restent à définir.

Par ailleurs, aucune évaluation des coûts de ces mesures de protection n'a été rendue publique. Mais plusieurs travaux sont déjà en cours au MDDEP, a-t-on indiqué hier, dont certains en lien avec les sept projets pilotes. En ce qui concerne le développement industriel du nord québécois, les chiffres sont répétés régulièrement par les ministres libéraux depuis mai 2011. Ainsi, sur 25 ans, le Plan Nord doit se mettre en place grâce à des investissements de 80 milliards, dont une majorité proviendront des coffres de l'État. Et depuis l'annonce du lancement du Plan Nord, plusieurs minières ont annoncé le lancement de projets. Au total, 20 milliards de dollars de projets sont en développement, de quoi assurer la mainmise du secteur privé sur de vastes zones du nord québécois.

Même si les libéraux ont assuré hier que 12 % de la forêt boréale «continue» serait protégée, le responsable de la campagne Forêt chez Greenpeace, Nicolas Mainville, s'est dit très déçu. À l'heure actuelle, selon le groupe écologiste, 6 % de la forêt située dans la partie sud du territoire du Plan Nord jouit d'une protection, et à peine 10 % de cette zone de grande biodiversité est toujours intacte. «Le gouvernement Charest est en train de plier l'échine devant les pressions de l'industrie, a soutenu M. Mainville. C'est la même chose avec la conservation. On se trouve à protéger ce qui ne dérange pas l'industrie, ce qui ne va pas enlever de volumes de bois au lobby forestier et ce qui ne va pas enlever de territoire au lobby minier. Si on veut faire un projet modèle de développement durable, on passe complètement à côté parce qu'on priorise l'intérêt industriel avant les questions environnementales et sociales.» 
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Cordialement,
Alexandre

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